Ébéniste, un métier en pleine évolution

Comme un symbole : ce sont les mains posées sur une table en bois d’un café parisien que nous échangeons avec Denis Lienard, ébéniste depuis 3 décennies. Les mains, ce sont son outil de travail ; la table, c’est ce qu’il fabrique au quotidien. D’un CAP ébénisterie à la menuiserie d’art, en passant par le dessin de fabrication ou la sculpture sur bois, Denis nous parle de sa passion. Et de son métier qui se réinvente entre savoir-faire traditionnel et outillage perfectionné.

Vous êtes ébéniste depuis plus de 30 ans. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier ?

L’ébéniste, c’est l’artisan qui fabrique ou restaure des meubles. C’est un savoir-faire ancien qui se perpétue depuis le 18e siècle ! À l’époque, on utilisait les bois précieux importés des îles pour la réalisation de meubles rares.

La connaissance des essences de bois est au cœur du métier d’ébéniste. Par exemple, le chêne est le bois par excellence pour la menuiserie-ébénisterie : c’est un bois dur qui se travaille bien et qui est très facile à trouver en France. Pour la sculpture, on préfère le noyer ou le tilleul car ce sont des bois gras, plus tendre à travailler. Il existe aussi des bois exceptionnels et très chers, par exemple l’acajou de Cuba, utilisé pour de belles réalisations.

Au-delà des essences, les métiers du bois sont également très variés : le menuisier (meubles de styles régionaux), le marqueteur (motifs et décors), le doreur et le vernisseur qui vont mettre en teinte le meuble… La sculpture sur bois est encore un autre travail spécifique qui requiert une connaissance en histoire de l’art et dessin.

Pour la chambre, la cuisine, la salle de bain… Le bois est à la mode aujourd’hui dans les meubles contemporains. Comment s’est transformé votre métier ces derniers années ?

Aujourd’hui, on essaie d’allier le traditionnel avec l’évolution de l’outillage et des machines. Grâce aux technologies récentes, on trouve des centres d’usinage programmés pour travailler le bois à la demande : il suffit de dessiner la forme que l’on souhaite dans un logiciel et la machine découpe automatiquement ! Malgré tout, il y a un souci de perpétuer le savoir-faire traditionnel. Cela consiste à étudier comment faisaient les « anciens » afin de restaurer le meuble à l’identique, à partir des assemblages et des moulures faites à l’époque. Pour les meubles nouveaux, la maîtrise du savoir-faire et la connaissance du bois permettent de réaliser des objets qui peuvent durer dans le temps.

Chez Maleville , la menuiserie d’art où je travaille, nous créons et restaurons des meubles pour de l’agencement moderne : un dressing, un meuble pour une salle de bain… C’est du sur-mesure pour les clients en fonction de leurs demandes. En fait, le savoir-faire reste le même mais les applications au quotidien se transforment. Le bois est de plus en plus utilisé dans l’agencement mais aussi pour la construction des maisons car il présente des qualités thermiques et phoniques. 80 % des maisons passives (habitation à faible consommation énergétique) sont construites en bois ; elles sont tellement bien isolées qu’il n’y a quasiment pas besoin de chauffage.

Habitation, aviation, luxe : le renouveau du bois

En Amérique du Nord, 95 % des maisons sont fabriquées en bois ! Si le bois souffre de l’image d’un matériau fragile (qui brûle et pourrit au contact de l’humidité), il n’en est rien dans la réalité. Au contraire, il s’agit d’un matériau très résistant, souple et léger. Dans l’aviation, il était ainsi le composant majoritaire de la structure jusque dans les années 1940. Aujourd’hui, il est encore très utilisé lors de la construction des petits avions de type ULM ou pour l’aménagement intérieur des avions de luxe.

D’autres applications récentes et originales sont à noter : l’automobile pour la carrosserie ou le tableau de bord, les robots (bras en bambou) ou encore les caisses d’ordinateur dans les pays tropicaux pour protéger de l’humidité, explique Bernard Thibaut, ingénieur forestier, dans un article publié sur CNRS Le journal.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

J’ai toujours été attiré par le travail du bois. J’aime la conception des choses. Dans ma carrière, j’ai fait du dessin de fabrication : c’est passionnant de trouver les techniques pour fabriquer des meubles, en s’inspirant de ce qu’il se faisait dans le passé. Il y a aussi un côté artiste dans le dessin de meuble ou la sculpture de bois. On crée quelque chose de totalement nouveau.

J’aime aussi transmettre mon savoir, mon expérience aux futurs menuisiers ébénistes. Nous avons la chance d’avoir régulièrement des apprentis ou des stagiaires. Nous essayons de prendre le temps de transmettre notre savoir-faire et notre passion à des jeunes qui sont motivés.

Comment devenir ébéniste ? Que diriez-vous à un jeune qui aimerait devenir ébéniste ?

Je suis allé dans un lycée professionnel d’ébénisterie où j’ai passé mon CAP. J’ai ensuite appris la sculpture sur bois pendant 2 ans avant de rentrer dans la vie active. Pour les jeunes, je recommande de passer par des écoles et lycées professionnels spécialisés pour passer un CAP, BEP… Il y a aussi des formations comme l’école Boulle ou la Bonne Graine à Paris.

Ensuite, les jeunes doivent aller en entreprise, en stage ou en alternance, pour apprendre les différentes techniques. Les grandes lignes restent les mêmes mais chaque atelier a sa propre façon de fabriquer. C’est ce qui est intéressant dans notre métier : certaines menuiseries-ébénisteries sont très manuelles, d’autres utilisent un outillage perfectionné.

Le passage en entreprise sert justement à développer le côté pratique (comment se travaille le bout de bois, comment il réagit suivant les usinages…), en complémentarité de l’enseignement théorique des écoles. L’intervention de la main dans l’ébénisterie est essentielle, et heureusement ce n’est pas encore remplaçable !

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